Soucieux de l’état de notre corporation, je cherche aujourd’hui à décrier l’existence d’un phénomène psychologico social grave: la schizophrénie des cuisiniers.
Petit retour tout d’abord sur cette névrose qui se caractérise par de forts troubles de la personnalité et qui entraîne une perte de contact avec la réalité. Le mot « schizo » vient d’ailleurs du grec «schizein » signifiant fractionnement et « phrèn » désigne l’ “Esprit”.
Alors comment expliquer l’existence de ce dérivé de la schizophrénie qui touche la plupart (je n’ai pas dit tous !) des cuisiniers ?
Voici un raisonnement, certes proche du syllogisme mais pour le moins intéressant :
La schizophrénie est une maladie dont souffre le plus souvent l’adolescent ou l’adulte avant l’âge de 40 ans environ. Or la moyenne d’âge des cuisiniers est relativement basse.
Un autre phénomène qui relie les cuisiniers à cette maladie, ses symptômes : une perception délirante de la réalité, des dysfonctionnement sociaux et comportementaux.
Et là encore une corrélation encore inquiétante : nous les cuisiniers vivons en marge de la société et ne dormons que très peu la nuit. Nos pauses repas sont à 11h du matin ou 18h de l’après midi. Au moment où les gens se reposent, dînent, sortent, voient leur famille, nous exécutons notre travail dans un territoire fermé, clos, et dans lequel les règles, les modes opératoires sont complètement différents de la réalité.
Mais la schizophrénie des cuisiniers se traduit surtout par un trouble comportemental très rare qui amène le malade à être pendant la journée de travail et chez lui deux personnes totalement différentes.
Le cuisinier, en effet, est souvent décomplexé dans son lieu de travail. Sûr de lui, il y est comme un poisson dans son bocal. Ce qui est marquant lors de sorties de cuisiniers avec des membres extérieures au clan professionnel, c’est l’opposition flagrante entre le chef de partie tyran au travail, ou dragueur et sur de lui, et un type paumé silencieux habillé en civil, sirotant une bière.
Une fois la veste enfilée et les sabots chaussés, le cuisinier devient un homme complètement différent. Il prend alors la forme d’un super héros en blouse blanche. Car oui ! Super Cuisto est un homme transfiguré. Il donne des ordres, gère une équipe, travaille dans un rythme saccadé et rapide. Il connaît un stress, qui lui donne des montées puissantes d’adrénalines, et qui le rend plus rapide, plus speed, sûr de lui et de ses actes. Alors que chez lui, par contre, il vit sur un rythme et sur un système de valeurs totalement différents. S’il a fondé une famille, il doit oublier les lois qui régissent son métier basées sur l’inégalité et l’obéissance, et faire preuve d’un peu plus de flexibilité pour ne pas être largué par son ou sa partenaire. Si par contre il est célibataire, il comblera le trop plein de place que prend son métier dans différents types d’excès … Et pourra ainsi redevenir le super héros qu’il était quelques heures plus tôt.
La cuisine, c’est-à-dire le lieu de travail mais aussi le métier dans son ensemble et ses règles de fonctionnement, représente ainsi un exutoire, où tout ce que le patient, le malade n’arrive plus ou pas à exprimer chez lui dans un cadre privé, peut l’être, doit même l’être. L’espace de travail, géré par des règles strictes, souvent désuètes, où le supérieure au 21ème siècle est encore appelé chef, reste pour les porteurs de cette maladie un espace de libre d’expression qui ont tendance à pousser ces règles très strictes à leur paroxysme. (Obéissance, hiérarchie, accoutrement obligatoire)
Pensez vous que la cuisine est un exutoire, ou le cuisinier peut exprimer tout ce qu’il veut : se libérer, prendre confiance, mais aussi aller parfois trop loin ou seulement, comme d’ailleurs pour tous les travailleurs, le reflet de la séparation entre le cadre public et privé ?
Ratatouille
4 Comments
Pour donner simplement mon avis sur la question posée, sans évoquer la schizophrénie et sans être de la profession, je pense que toute passion dans un métier peut transfigurer quelqu’un. Parce qu’on est investi de ce qui nous habite, de ce que l’on comprends, de ce que l’on ressent, de ce que l’on maitrise, de ce qui nous donne accès à certaines émotions, on peut être quelqu’un au coeur de son métier et quelqu’un d’autre dans sa vie privée où le fait d’être “habité” par la fébrilité d’actions passionnées et maitrisées n’existe plus de la même manière. Je pense qu’il peut par ailleurs sembler difficile d’exister pour les autres ou pour soi-même, pour peu que la passion de ce que l’on fait dans sa vie professionnelle soit effectivement un exutoire.
Tellement vrai, et en même temps j’ai 2 ou 3 chefs de resto co en établissement de santé… si tu pouvais me les transformer en super héros, parce que la c’est pire au boulot qu’a la maison! 😉
Pas de poblème, j’ai plein de costumes dans le placard! Il paraît qu’en enfiler un vous fait devenir un autre homme! D’ailleurs je ne l’ai pas précisé mai j’ai été interné une bonne quinzaine de fois.
Rat’ le fou!
Ratatouille,
je viens d’apprendre que les cuisiniers savent (très bien ) écrire