Petit interlude sur la vie des chefs, et de leurs équipes, et sur leur façon d’inventer en équipe ou pas un nouveau plat.
Forest Gump aurait pu le dire : Les chefs « c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur lequel on peut tomber ». Car oui ! Tous les chefs ne se valent pas lorsqu’il s’agit de faire ce qu’il y a de plus dur en cuisine, ce qui demande le plus de talent, de création, d’intelligence : inventer un plat. Et quand je parle des chefs, ce sont bien sûr tous le chefs ; de celui qui travaille dans un bistrot de qualité, à celui qui se dit appartenir à la haute gastronomie.
Parmi tous les individus appartenant à cette caste des chefs, il en existe qui ont décidé ; par étroitesse d’esprit, manque d’originalité, ou fainéantise ; de ne plus rien inventer. La modernité pour eux c’est surtout un phénomène de mode. Leur adage préféré ; rien ne sert de courir, il faut partir à temps. Vous ne trouverez pas chez eux de magazines culinaires, mais de bonnes vieilles fiches techniques avec des recettes, façon CAP, avec du beurre, du beurre, et encore plein de beurre, des cuissons de poissons ou viandes bien trop longues ou à l’eau.
Dans la famille des chefs, il y a aussi une autre sous catégorie : celle des malins, ou tricheurs. Les chefs à la tête de resto appelés, « grosses machines de guerre », et qui, avec leur argent, qui afflue en quantité, et parce qu’ils sont aussi très malins, vont demander des conseils à des « tendanceurs », ou à des personnalités culinaires ou publiques pour renouveler leur carte. Si leurs consommateurs s’intéressent au bio, ils vont créer (et c’est aussi là qu’il faut du talent) des plats à base de bio. Quitte d’ailleurs à travailler les petits pois en hiver, et les topinambours en été. Si leurs consommateurs veulent du moderne, de la cuisine chimique pardon moléculaire, et bien ils se diront : pourquoi pas moi ! Ils se lanceront dans des émulsions toujours plus farfelues, quoique parfois par hasard goûteuses.
Pour finir, La portion de chef qui m’intéresse le plus (mon chef en fait d’ailleurs partie) : les chefs créateurs. Ils inventent des plats à leur image, ou/et s’imprègnent des idées de leur équipe. Ils fondent leur plat sur un fourmillement d’idées mais créent malgré tout quelque chose qui leur ressemble.
Parmi les propositions qu’ils reçoivent de leur brigade, il sélectionne un plat, et observent quels sont les cuisiniers qui leur ont montré des essais pour les promouvoir ou les canaliser. Ces chefs là sont à la fois des rois de la manipulation, de magnifiques (peut être sans le savoir) joueurs d’échec, des stratèges, mais aussi des artistes. Ils créent une vraie dynamique dans leur brigade.
Avec eux l’invention d’un plat devient une cérémonie quasi religieuse. Lors de son test final, le nouveau plat, après avoir été dressé, est apporté de façon solennelle par le second au chef qui attend, patiemment, le regard impérieux. Lentement, le chef mâche chaque bouchée. Entouré par toute l’équipe, il lance alors son verdict dans un silence de plomb: victoire si le plat est au menu du jour, grande consécration s’il est à la carte. C’est la cène revisitée, avec dans le rôle de Jésus, le chef, en guest star.
Ces chefs créateurs rachètent ainsi tous les autres, ils donnent envie de cuisiner, de se battre pour inventer. Ils génèrent un lieu d’échange, de création. Ils donnent une dimension artistique à la cuisine. Ils forment des disciples.
Mais en cuisine, tous les chefs peuvent ils être de ceux-là ?
Ratatouille