Propos de Tables

La Table d’été du Bristol, Un petit parfum de Normandie en plein cœur de Paris…

25 juin 2008

image-43ème volet de nos découvertes de « tables de Palace » qui vient clôturer un triangle autour du « poumon » parisien.
Promenade dans la très chic rue du Faubourg Saint Honoré que l’on ne présente plus…

On délaisse les merveilles architecturales des places de la Concorde et Vendôme pour longer, à notre droite, les boutiques de créateurs, où l’on ne rentre qu’en ayant sonné au préalable et que votre faconde laisse présager que vous disposez d’un portefeuille bien rempli.

A gauche, l’Ambassade de Grande-Bretagne, les murs de l’Elysées, des uniformes et des sirènes entêtantes : le charme est tout autre, voir inexistant…
Encore une place à passer, celle où réside le Ministre de l’intérieur et nous voilà enfin devant le Bristol.

Portique et sourires accueillants, marbres et colonnes, il flotte quelque chose de suranné dans cette maison, de désuet… On ne peut s’empêcher de remarquer le joli jardin enclavé qui confère néanmoins une certaine « fraîcheur » au lieu, tout du moins une jolie luminosité…

Il fait aujourd’hui un temps superbe, les parisiennes montrent leurs jambes, les messieurs sont en bras de chemise, parfum d’été, de farniente…
Traversée du « Restaurant d’été »…Et oui au Bristol il y a deux restaurants en fonction des saisons et donc de l’ambiance. Le restaurant d’été est adjacent au jardin, il ne retient pas spécialement notre attention, moins que les vestes jaunes et trop grandes du personnel…

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Nous déjeunons dans le jardin : extrêmement agréable ce jardin, apaisant, car il n’y a aucun bruit perceptible de toute l’agitation extérieure, et à la fois vivifiant ; l’architecture des lieux fait même penser l’espace d’un instant que nous sommes en Normandie, il en manque plus que les pommiers. Deauville se serait-il rapproché de Paris ? Amusante coïncidence pour un chef originaire de haute Normandie….
La réservation est à mon nom et ce détail à son importance, car au moment de la remise des menus, c’est à moi que l’on confie celui comprenant les prix, c’est inattendu et incroyablement moderne, j’apprécie qu’une maison aussi prestigieuse se mette à l’heure de la parité.
Le menu, parlons en…formule déjeuner en semaine baptisé « Menu de saison », à 95 € …
Apéritif au champagne, Laurent Perrier Rosé à 28 € pour Stéphane, Billecart Salmon brut à 25 € pour moi, difficile de bousculer nos petites habitudes…

Les entrées :

Maquereau de petit bateau mariné au vin blanc et baie de cassis, relevé au raifort
Ou
Foie gras de canard cuit au vin rouge épicé, gelée de cerises noires et amandes

Les plats :

Bar de l’Ile d’Yeu cuit à l’Epice tandoori, chou vert nouveau au citron confit
Ou
Pigeon de Bresse rôti au crumble, « crousti-fondant » d’oignon, jus à la diable
Les Fromages affinés de vache, brebis et chèvre
Ou
Les desserts :

Chocolat « Jivara aéré au mascarpone, gelée tendre de fruits de la passion aux épices
Ou
Framboises et gingembre, meringue soufflée rafraîchie au lait de coco

Pour tout dire, le maquereau ne me tente que moyennement, comme le pigeon d’ailleurs…nouvelles discussions et protocole d’accord avec Stéphane, je prends le foie gras et le Bar, il valide le maquereau et le pigeon, je lui cède le dessert aux framboises, je pense pouvoir accepter facilement le dessert au chocolat…difficile compromis !
La carte des vins, le moment magique où l’on rentre en communion…rien à dire, vaste et complète peut-être un peu moins de références que dans les deux précédents établissements (difficile en effet de rivaliser sur ce point là avec le Crillon…) un sommelier souriant et de bons conseils, tout en discrétion et qui n’hésite pas à proposer la carte à Madame, encore une fois bravo et merci le Bristol !
Je choisis de rester sur un vin accompagnant mes deux plats, et de compliquer l’exercice en demandant un blanc sec; Stéphane se laissera séduire par un verre différent par plat.
Très bons choix du sommelier : Mâcon Milly Lamartine 2006 Héritiers du Compte Laffont pour moi, Blanc de Sardaigne Selegas Nuragus Argiolas 2007 pour Stéphane qui a ensuite fait un petit voyage dans le Rhône avec un Cornas 2002 du Domaine du Tunnel.

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La mise en bouche : crème de choux fleur, gelée d’oignons rouges et émulsion de haddock ! Très joli ! À première vue, la gelée ne nous enthousiasme guère, là encore nous y voyons quelque chose de passé de date, nous ne savons encore pas que cela sera le fil rouge de notre déjeuner…
En bouche quel délice ! Que ça commence bien ! C’est doux, c’est fin, même la gelée nous plaît car elle est là où il faut et n’apporte pas qu’un simple effet visuel, et ce haddock qui vient apporter une légère note fumée…
La première chose qui frappe dans la cuisine de Monsieur Fréchon, c’est la justesse de l’assaisonnement, à peine perceptible pour laisser le plus possible le champ libre aux saveurs naturelles des aliments; Chaque saveur peut être isolée et l’assemblage est d’une précision hallucinante; C’est sans doute à cela que l’on reconnaît un grand chef…

Les entrées arrivent…il y a de la matière pour les photos, quels effets visuels !

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Le maquereau est en gelée ! Tout en transparence, on peut voir les rayures argent et anthracite de ce joli poisson, il y a également un nappage d’émulsion de raifort et cassis, bien maîtrisé, léger et délicat.
Que dire de mon foie gras également couvert d’une gelée de cerise ! Décidemment …ce foie est parfait, onctueux, suave, il prend tout le palais, je reste sceptique sur la gelée, qui ne semble pas être d’un réel apport gustatif, la bouche a déjà suffisamment à faire…des cerises crues apporte le sucre et l’acidité nécessaire.
Le timing est parfait, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer tout est scrupuleusement minuté, nous nous offrons même le luxe de discuter avec le personnel, agréable, disponible et souriant ;
Les cloches sonnent et se soulèvent …Et oui on n’y échappe encore pas, mais même si ce cérémonial est un tant soit peu agaçant, il faut lui reconnaître son utilité première : maintenir les plats à température, et nous sommes en extérieur…

Que c’est beau ! Je sais cet adjectif n’est pas très original mais pourquoi choisir un autre vocabulaire quand celui-ci prend tout son sens ?
Je louche sur mon bar coloré de rouge (les fameuses épices tandoori) on le croirait muer en chair de homard et on peine à le reconnaître, c’est délicieusement odorant et ce vert, vif et presque translucide des feuilles de chou nous met de bonne humeur.

Le plat de Stéphane respire plus une cuisine robuste, une cuisine d’homme, du gibier, des oignons, une sauce à la Diable, les plats d’antan, de week-end aux journées qui fleurent bon les promenades en campagne.
Les fumets se croisent, on salive, on regarde, on analyse … silence …

Superbe ce bar, là encore outre la précision des cuissons, les saveurs sont justes, tout est dissociable et l’ensemble est parfait, mon nez s’en souvient encore.
Le pigeon, quant à lui, est tendre et fondant, goûteux, bien rose, le crumble apporte ce qu’il faut de ponctuation croquante, toute petite réserve sur le « crousti-fondant » d’oignon que nous trouvons un peu gras.

Fin des réjouissances salées et pré-dessert très tentant et plus original que ce que laisse entrevoir la carte des desserts : il s’agit d’une gelée (tiens donc) de pomme verte, fraises des bois et glace au basilic, ça fonctionne bien, c’est frais et un peu acidulé, on commence à s’impatienter de la suite…

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Les desserts ! C’est joli, c’est bien fait, c’est bon ; nous sommes en revanche un peu étonnés par leur classicisme qui tranche avec la jolie modernité du pré-dessert…

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Mon chocolat aéré au mascarpone n’est rien d’autre qu’une mousse légère au chocolat, un poil trop sucrée, contenue dans un cylindre craquant, l’accompagnement est une compotée de fruits exotiques dont  le parfum de la mangue prend le pas sur les épices.

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Stéphane a mieux choisi semble t’il, je reste sur cette note assez sucrée et il finit sur plus de légèreté, meringue et framboise en fin de repas, c’est toujours efficace !
Le café : un merveilleux moka éthiopien, extra ! En revanche déception sur les chocolats qui arrivent en charriot, emprisonnés dans des bocaux, et qui manquent un peu de finesse.
En conclusion, la table est à la hauteur de sa réputation, ce Monsieur Fréchon a décidemment bien du talent, s’il n’y avait qu’un mot à retenir ce serait la JUSTESSE, petite réserve néanmoins sur le sucré qui mériterait de s’aligner sur la technicité et la créativité du salé…

Un personnel professionnel et d’une grande gentillesse, l’ambiance n’est pas collet monté, et le service est bien minuté, en bonne Formule Affaires, on n’attend pas au Bristol.
Joli cadre pour prendre ses quartiers gourmands d’été, savourer une jolie cuisine, prendre une bouffée d’oxygène et se couper du monde : demander la table 38 au Jardin et laisse-vous guider !

Au jardin, Laurène et Stéphane

Adresse : Le Bristol, 112 rue du Fbg Saint Honoré, 75008 Paris

http://www.hotel-bristol.com

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5 Comments

  • Reply Chrisos 26 janvier 2009 at 4 h 03 min

    Mon avis : http://chrisoscope.com/2008/05/18/d

    D’accord avec vous pour les desserts, j’ai préféré ceux des Ambassadeurs.
    Par contre, pour le salé, je préfère Frechon à Piège.
    Nous avions eu le même avant dessert, et celui à la framboise + meringue.

    pour le salé, à part les amuse bouche, nous avons eu autre chose. votre gelée d’oignons rouges + haddock rappelle notre fond d’artichaut+ crustacés !

    la place à passer n’est pas celle de la résidence du premier ministre, c’est la place Beauveau, ministère de l’intérieur. le PM est rue de Varenne, près de l’Arpège ;).

    quoi de prévu à la rentrée? Il y a encore plein de 2-3 étoiles avec des menus à moins de 100€ à midi…

  • Reply Flo Bretzel 26 janvier 2009 at 4 h 03 min

    J’ai découvert Eric Fréchon quand il officiait dans le 19eme arrondissement. Il avait déjà tout pour devenir un grand et il mérite bien aujourd’hui un écrin tel que le Bristol pour abriter sa cuisine d’orfèvre!

  • Reply chantal33 26 janvier 2009 at 4 h 03 min

    Je me régale de ces photos et du talent d’Eric Fréchon!
    C’est sûr qu’à 95€ pour un tel repas dans la capitale, c’est très raisonnable; par contre le champagne à 28 € parait un peu exagéré…

  • Reply Babillages 26 janvier 2009 at 4 h 03 min

    Quel récit, quelles jolies photos ! Ok, mon commentaire ne paraît pas si constructif que ça, ni même super intéressant… Mais là, vous m’avez fait rêver… Et il fallait que je le dise 🙂
    Sur ces belles paroles, je retourne grignoter mes financiers faits maison (oui Stéphane, tu as bien lu… J’ai fait des financiers MOI MEME !! 😉 )

  • Reply Sivignon François & Marianne 18 avril 2009 at 11 h 57 min

    Bonjour,

    Merci pour votre témoignage et ce moment privilégié que vous nous faites partager. Le plus bel hommage pour d’un chef cuisinier et sa brigade, réside dans la découverte et le respect de leur travail.

    Cette découverte implique l’éveil de nos cinq sens. Bien souvent, un grand chef restera dans quelques années en retrait, faute de pouvoir faire partager pleinement sa cuisine, non pas de son propre fait, mais précisément par ce que le lieu ne permet pas à nos sens de s’exprimer pleinement et faire corps avec sa cuisine. C’est rendre hommage au travail d’un grand cuisinier et de son équipe que de leur permettre de réaliser cette alchimie, qui n’est autre qu’une expérience humaine.

    François

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