Propos de Tables

Le Meurice, Un anachronisme moderne

1 janvier 1970

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Après notre dernière escapade plus que réussie aux Ambassadeurs, la curiosité nous a poussé avec Stéphane à faire quelques mètres le long des plaisantes allées des Tuileries pour pousser la porte d’une autres des plus belles institutions parisienne, le Meurice…

2007 a indéniablement été l’année de la consécration pour Yannick Alléno, c’est un fait : personne n’a pu passer au travers de la sur-médiatisation de ce chef venant d’obtenir  la récompense suprême d’une 3ème Etoile au Guide Michelin.

A seulement 39 ans, Yannick Alleno a su faire de son nom une véritable marque reconnue ; il est devenu désormais indispensable au paysage des plus grosses valeurs parisiennes et même mondiales, un chef trendy et banckable, à l’instar des acteurs de cinéma ; là où il est, ça fonctionne forcément ! Un postulat lourd de poids et de conséquences ; mais cela se vérifie t-il dans l’assiette ?


12h45, mardi 22 mai 2008, rendez-vous est pris devant les lieux ; le Meurice m’a toujours paru austère, rien ne retient vraiment l’attention lorsque l’on le longe, car on ne passe pas devant, on le longe, pour aller d’un point à un autre, sous les arcades sombres et cafardeuses de la rue de Rivoli.
A mon grand étonnement, le lieu est accueillant, presque chaleureux, ce qui est surprenant pour un Palace, on pénètre le restaurant par quelques pas au Dali, la brasserie Chic où on peut déguster un Meurice Burger pour la modique somme de 30€, en toute simplicité…

La salle du restaurant, surprend également, d’une grande luminosité et avec une décoration sobre et moderne qui vient casser l’artillerie lourde des dorures et autres sols de marbre ; La patte Starck est discrète mais palpable : consoles en acier brossé, luminaires retravaillés, nappes et service de table  déclinés dans un camaïeu de gris, c’est réussi…on se sent bien, on respire…

Le service est efficace, professionnel et « détendu », c’est-à-dire un peu éloigné du côté « figé» habituel de ce type de maison, nous rencontrons des jeunes gens souriants, un brin blagueurs, fournissant des explications très détaillées sur les mets, les produits et leur genèse, et extrêmement disponibles : c’est rare et suffisamment appréciable pour être souligné. Seul bémol : LES CLOCHES ! Au secours, quelle idée en 2008 de nous affliger encore ce terrible rituel !

La carte, se tient en termes de prix avec des plats en moyenne à 80 € ; nous partons sur  la formule « Déjeuner en liberté » à 90€, comprendre le menu déjeuner d’affaire, qui comporte aujourd’hui :

Entrées

TOURTE FEUILLETÉE EN HOMMAGE À JEAN-CLAUDE VRINAT

VAPEUR DE NOIX DE COQUILLES SAINT-JACQUES Nage au fumet de Meursault liée au corail de homard / COS /

AGNOLOTTI À L’ARTICHAUT ET AU PARMESAN
Chantilly de roquette

Poissons ou Viandes

ROUGET BARBET SOUS LE GRILL
Jus et garniture d’une bouillabaisse /PS /

AGNEAU DE LAIT DES PYRÉNÉES À LA FICELLE EN DEUX SERVICES Filets émincés à la fleur de sel, chou rave confit, Le mignon au consommé, tartine moelleuse rafraîchie à la menthe

Desserts

LINGOT D’OR
Dedans un petit gâteau au pralin et poire caramélisée

FINE MERINGUE GIVRÉE AU CITRON VERT ET TEQUILA Crème citron rôtie

BOULE DE NEIGE CRAQUANTE AUX ÉCLATS DE YAOURT CRISTALLISÉS Fraises des bois rafraîchies à la gelée de citron

Jolie carte, belle et bien faîte, trois entrées radicalement différentes dans les styles, une viande ou un poisson, des desserts aux noms évocateurs…

Commence la phase redoutable de la réflexion et du choix…problème, nous sommes tous les deux tentés par les Saint Jacques…le Maître d’Hôtel nous vante la légèreté de la Tourte Feuilletée élaborée à base de foie gras, choux, ris de veau, sauce périgueux, un décalage flagrant avec les Saint jacques qui évoque une belle fraîcheur printanière.

Puisque cette tourte est un hommage au chef de l’illustre maison Taillevent, elle paraît incontournable et être un bel exercice de style.

La carte des vins : chic élégante, digne d’un établissement digne de ce nom, compter quand même 21 € pour une coupe de brut 1999 de la Maison Bollinger, 26 € pour une coupe de Rosé de chez Laurent Perrier , en moyenne le vin au verre est autour de 22€…on est au Meurice !

Mise en bouche et arrivée des entrées
Quelle merveille cette tourte! Stéphane ne regrette pas une seule minute son choix. Un feuilleté magnifique et le plaisir de retrouver intactes en bouches toutes les saveurs des différents éléments qui rentrent dans sa composition. Le maître d’hôtel n’a pas menti, il y a une belle légèreté aussi inattendue que cela puisse paraître dans ce plat…

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Pour ma part les Saint jacques sont superbes, d’une belle texture et d’une cuisson parfaite, elles sont enroulées de feuilles de jeunes pousses d’épinard dont l’acidité est contrecarrée par la douceur du  velouté de corail de homard,  des petits légumes croquants (carottes, concombre…) viennent égayer l’assiette comme le palais tels des confettis, il y a quelque chose de joyeux dans ce plat.

Arrivée du plat principal…l’agneau a fait l’unanimité dans les choix, il faut dire qu’il laisse sous entendre plus de créativité et d’étonnement qu’un rouget sous le grill et sa bouillabaisse, (fût ce par Monsieur Alleno). Il arrive en deux temps, un peu comme au théâtre, où l’on vous laisse vous reposer le temps de l’entracte pour mieux savourer la suite….

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Première déclinaison autour de l’agneau, deux morceaux, deux cuissons, : du très rosé, du très blanc nacré ; l’assiette est généreuse, odorante, elle sent bon le goût des choses simples maîtrisées à la perfection ; quelques bâtonnets de choux rave légèrement croquants viennent amuser le palais. Rien à dire, ça fonctionne bien.

Deuxième temps : deux mouillettes de pain agrémentés d’une compotée de pieds d’agneau qui ont le doux parfum de la cannelle ou la girole peut-être, intercalées avec des pièces nobles de viande, le tout arrosée d’un jus qui les rend l’ensemble délicieusement fondant : une explosion de saveurs en bouche…

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Repos mérité, on termine calmement nos verres de vin jusqu’à la dernière goute, il faut dire qu’à ces tarifs on se pose la question à deux fois avant de recommander un verre…Je déguste un verre de Château Simone 2003 en blanc, évocateur des premiers soleils d’été, et valeur sûre pour Stéphane qui déguste un Gevrey Chambertin de chez Geantet-Pansiot, en millésime 2004 : choix du sommelier, tout en discrétion et de bon conseil.

Le salé cède la place au sucré : retournement d’assiette de rigueur, ou tout du moins de la galette dans laquelle toutes les assiettes viennent se poser, il y a un petit côté théâtral amusant mais pas vraiment indispensable…
Le pré-dessert et surprise ! Un dessert s’est glissé avant ceux que nous avions choisis et quel dessert !

GELÉE DE CONCOMBRE AUX PERLES DE CITRON ET A LA FLEUR DE BOURRACHE ,Dans une coque de chocolat blanc, sirop poivré

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Ce dessert est à la carte et a particulièrement retenu notre attention par son originalité. Tout est atypique. Des coques de chocolat blanc sont fourrées à la gelée de concombre où l’on peut noter également la présence de la pate d’amande ; le citron caviar vient jouer avec des meringues elles aussi au concombre, la fleur de bourrache vient colorer l’assiette et le sirop de poivre est dispersé comme des gouttes de rosé. Ce dessert est explosif ! Tout y est : la douceur du chocolat blanc et de la pate d’amande, le côté iodé de la fleur de bourrache, l’acidulé du citron caviar, le salé et la fraîcheur du conc
ombre dans son plus simple appareil et bien entendu, la finesse de la note poivrée

On est littéralement estomaqué par l’audace de ce chef pâtissier ! On resterait bien sur cette jolie touche iodée mais les deuxièmes desserts viennent à nous…
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Superbe le lingot d’or, on se croirait à quelques pas en train de contempler l’une des devantures de la place Vendôme…Onirique la boule de neige craquante, on voyage dans une forêt enneigée, et l’on joue avec les tiges de meringue comme avec des mikados, en bouche c’est un doux frisson, quelle dommage de ne pas avoir une température extérieure plus clémente !

En résumé, un déjeuner agréable, une cuisine somme toute assez classique mais solide, un Yannick Alleno appliqué et consciencieux, qui n’hésite pas à faire plusieurs apparitions cachées pour prendre la température de la salle…un chef pâtissier magique, Camille Lesecq dont il faut à tout prix retenir le nom, attention talent ! Un service dénué de chichi et très sympathique et enfin une décoration actuelle et inscrite dans l’air du temps, une douce projection dans le passé….

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7 Comments

  • Reply marie 26 janvier 2009 at 4 h 05 min

    je rêve du Meurice et de la cuisine de yannick. quand je vois ton reportage, je pense craquer assez vite.

  • Reply Laurent (GoT) 26 janvier 2009 at 4 h 06 min

    Arrrhhh … W. Morandini (directeur de salle) m’avait conseillé de revenir au déjeuner pour goûter cette tourte notamment… à lire ce CR et voir ces (superbes) photos, faut vraiment que j’y retourne… sympa ce dessert chocolat blanc/concombre hein ?

    Quelle est votre prochaine étape ? Cinq ? Ducasse ? Bristol ?

    On vient de réserver chez Savoy pour mi-mai, on va enfin tester cette formule déjeuner “internet”…

    Au plaisir,
    Laurent

  • Reply emilie 26 janvier 2009 at 4 h 06 min

    arghhh ! de l’art . de la précision . il me tarde de découvrir cela … vite…

  • Reply tifenn 26 janvier 2009 at 4 h 06 min

    Un jour peut-être…

  • Reply chantal33 26 janvier 2009 at 4 h 07 min

    Toujours un immense plaisir de lire les comptes rendus de Laurène, sa plume sait parfaitement retranscrire l’émotion qui émane de ces plats! En voyant l’originalité de ces desserts, je me dis que j’aimerais bien tester un Menu tout dessert 🙂
    Merci pour ce repas, j’ai l’impression d’avoir été un peu à ta table 🙂

  • Reply lory 26 janvier 2009 at 4 h 07 min

    ooooh, c’est un rêve de pouvoir une ois gouter un repas si beau…et surement subliment bon!

  • Reply Stéphane 26 janvier 2009 at 4 h 07 min

    @ Laurent > Notre prochaine étape ? Sans doute le Bristol et le V,a confirmer.

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